Le leurre démocratique
Enlisés dans une situation d’état d’urgence permanente depuis quelques années, les Égyptiens ont été peu nombreux à se déplacer aux urnes pour les élections municipales. Pourquoi un tel désarroi ?
L’élection des 52000 maires et conseils municipaux qui devait se dérouler il y a maintenant deux ans a finalement bien eu lieu mardi 8 avril en Egypte. Dans un climat marqué par une forte tension sociale, ce scrutin a, comme à l’accoutumée, fait office de baromètre de la démocratie dans le pays. « Les rapports publiés par l’Organisme central des comptes sur ces 30 dernières années font état d’un trou de 4,5 milliards de livres égyptiennes à cause de la corruption qui gangrène les conseils municipaux » indique Abdel Hamid Kamal, membre du parti du Rassemblement (gauche). Le Parti national démocrate (PND) a presque tout raflé lors de ce vote faussé et les milliers de candidats de l’opposition n’ont pas pesé bien lourd face aux 53000 du PND. D’autant plus que le parti le plus crédible et le plus menaçant aux yeux du pouvoir, à savoir les Frères musulmans, a boycotté ces élections. La raison ? Leur mise à l’écart forcée. « Nous voulions présenter 6000 candidats, mais face aux actes de violence et aux agressions physiques, seuls 498 ont réussi à présenter leur dossier et au final, seulement 33 candidatures ont été retenues» affirme Mohamad Habib, numéro deux du parti islamiste. Ces dernières semaines, environ un millier de ses membres ont été arrêtés et la quasi-totalité de ses candidats écartés. Parallèlement à ce boycott, les Frères musulmans ont tenté d’instaurer la terreur en profitant des évènements de Mahallah Al Kobra. Ce centre de l’industrie du textile situé à 120 km du Caire a été le théâtre de grèves sans précédent il y a deux ans. Le lundi 7 avril, de violentes contestations éclataient dans la petite ville, en réaction à la flambée des prix et d’une pénurie du pain subventionné, entraînant la mort d’un adolescent de 15 ans et 80 blessés selon une source de sécurité. Les images diffusées sur la télévision publique égyptienne étaient dignes des terribles cris de désespoir des banlieues parisiennes de 2005. Hasard ou coïncidence, Khalil Al Hayya, haut responsable du Hamas, a menacé au même moment de prendre d’assaut les points de passage de la Bande de Gaza. C’est dans ce contexte que les Frères musulmans ont annoncé une grève ouvrière qui n’a finalement pas eu lieu. Le Premier ministre égyptien Ahmed Nazif a fait le déplacement dans la ville, pour répondre aux attentes des ouvriers. Des primes allant de 15 jours à un mois de salaire leurs ont été octroyées, en reconnaissance à leur refus de répondre à l’appel des Frères.
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